Retour d’expérience
Monica MASPERI Triscia BIAGIOTTI Martina BARLETTA Laura MAZZARELLA Rosanne ZANINI-GOBELIN
MASPERI Monica (MCF en études italiennes, linguistique et didactique des langues, Laboratoire LIDILEM, UGA, Direction scientifique IDEFI Innovalangues)
BIAGIOTTI Triscia (Maître de langue, IEP, Grenoble)
BARLETTA Martina (Ingénieure pédagogique Innovalangues, UGA)
MAZZARELLA Laura (Ingénieure pédagogique Innovalangues, UGA)
ZANINI-GOBELIN Rosanne (Ingénieure pédagogique Innovalangues, UGA)
Description succincte du projet
Nous allons présenter et illustrer ici une approche didactique de l’oral en L2 qui se démarque sensiblement des modèles traditionnellement admis pour s’inspirer des travaux menés en Suisse romande et au Canada francophone en matière d’enseignement et apprentissage des langues et des cultures dont elles émanent (cf. Bronckart, 1996, 2004, 2008 ; Adam, 1992, 2015 ; Chartrand et al. 2015).
La modélisation des parcours numériques que nous avons conçus dans le cadre du projet IDEFI Innovalangues (ANR-11-IDFI-0024, Masperi, 2011) place au cœur de l’action didactique le texte oral en tant qu’objet complexe, construit selon des conventions identifiables, socialement ancré et à forte valeur culturelle. Les principes qui sous-tendent la construction de ces parcours seront explicités en référence aux critères de sélection des contenus langagiers et aux procédures susceptibles de faciliter l’accès à l’organisation des données de langue ainsi qu’aux contenus. Dans ce cadre, les technologies numériques sont convoquées au service d’une meilleure interaction entre l’auditeur et le texte, en soutien de la capacité de traitement de l’oral en L2 par le développement d’une activité d’écoute autonome.
Partenaires du projet
- Consortium Claroline Connect
- Université de Poitiers, LLCER- LEA, italien
État de réalisation du projet
Avancement : 70%
Questions ou verrous scientifiques qui motivent le projet de recherche
L’apprentissage d’une langue relève d’un processus long et complexe, au cours duquel la compréhension de l’oral joue un rôle déterminant, quel que soit le statut de la langue au sein du répertoire langagier de l’individu. Pour chacun d’entre nous en effet, en situation naturelle et à défaut de pathologie, écouter (et comprendre) constitue le tout premier accès à la langue (ou aux langues) de notre entourage. Lorsque nous empruntons la voie de l’apprentissage d’une L2, l’écoute se révèle également une activité langagière essentielle. Toutefois, même si les apports scientifiques des vingt dernières années dans ce domaine sont appréciables (cf. Cornaire & Germain, 1998 ; Field, 2000 ; Hilton, 2000 ; de Pietro et al., 2017 ; Gagnon et al., 2017 ; Lopriore, 2011 ; Nunan, 2002 ; Vandergrift, 1997), les processus à l’œuvre au moment de la réception orale en L2 demeurent insuffisamment investigués et décrits (cf. Surcouf, à paraître ; Catoire, 2017). Si bien que l’on relève encore une tendance à “étiqueter” cette activité de “passive”, ce qui induit le public peu averti à croire que la compréhension de l’oral demande un effort moindre par rapport aux autres activités langagières. La relative impénétrabilité qui caractérise le fonctionnement de cette habileté se répercute également sur le plan didactique : si l’activité elle-même n’est pas éludée dans les enseignements de langue en présentiel, elle est cependant souvent négligée en tant qu’objet d’étude en ingénierie didactique, notamment lorsqu’il s’agit de la décliner en objet didactique destiné à un usage individuel et en autonomie.
A partir de ce constat de carence de données empiriques et d’outils didactiques, notre projet de recherche entend aborder la question de l’accompagnement à la compréhension de l’oral en L2 dans un environnement numérique, en vue d’améliorer ce savoir-faire chez des étudiants spécialistes (public LLECR et LEA) et non spécialistes en langues (public lansad). En l’occurrence, nous avons pris le parti de traiter les différents aspects de la compréhension des textes, théorisés ici, par le biais d’une approche « tout à l’oral », sans la médiation de l’écrit.
Enjeux de terrain
Les outils que nous proposons (cf. Masperi et al. 2019 ; Biagiotti & Quaranta, 2020 ; Masperi et al., soumis), intégrés dans la plateforme Claroline Connect (https://claroline.net/), ont été développés avec l’objectif de mettre en condition l’auditeur d’adopter une posture adaptée à la tâche de compréhension et tout premièrement de prendre appui sur des ancrages facilitant l’autorégulation de son processus de compréhension. Leurs fonctionnalités ont donc été conçues afin de permettre aux apprenants d’extraire et de traiter en autonomie, avec un certain degré d’aisance, la matière phonique signifiante exprimée dans un flux sonore authentique. Ces outils sont présentés sommairement ici, assortis d’illustrations auxquelles nous associons une légende (en annexe). Il s’agit du « Chapitrage », du « Bornage Audio » en modalité « Guidé » et « Libre » et de l’« Écoute Active Enrichie ».
1) Le « Chapitrage »
Le « Chapitrage » est un outil conçu pour écouter un extrait audio ou vidéo de manière segmentée, permettant de mettre en évidence des éléments significatifs de l’extrait. L’étudiant peut revenir sur un segment (ou « Chapitre ») autant de fois que nécessaire et l’écouter avec un débit variable. Est associé à cet outil un protocole d’activité spécifique en mesure de fournir un feed-back.

2) Le « Bornage Audio »
a) Le « Bornage Audio » en modalité « Guidé » est un protocole d’activité qui permet de « borner » un extrait audio par la sélection d’une zone à l’intérieur d’une séquence sonore. Ce qui peut être donné à repérer c’est tout élément saillant du texte, d’ordre discursif, phonologique, prosodique, lexical, morphologique ou syntaxique.

b) Le « Bornage Audio » en modalité « Libre » prévoit un rôle actif de l’apprenant, lui permettant d’identifier et mettre en surbrillance sur l’extrait audio les éléments qui font obstacle à sa compréhension. L’auditeur peut associer des commentaires au(x) segment(s) de texte auquel(s) il est exposé, tant à l’oral qu’à l’écrit. Cet outil est censé stimuler la réflexion sur le processus de compréhension et permet de collecter des données utiles pour orienter la conception des activités didactiques.

3) L’Écoute Active Enrichie
L’Écoute Active Enrichie est un outil audio doté de fonctionnalités d’assistance à la compréhension auquel peuvent être associées des aides multimédias. Le but de ces aides est notamment de permettre de récupérer dans le flux sonore des éléments de compréhension particulièrement opaques (noms propres, toponymes, références sous-jacentes, éléments faisant appel à des connaissances extralinguistiques).est un outil audio doté de fonctionnalités d’assistance à la compréhension auquel peuvent être associées des aides multimédias. Le but de ces aides est notamment de permettre de récupérer dans le flux sonore des éléments de compréhension particulièrement opaques (noms propres, toponymes, références sous-jacentes, éléments faisant appel à des connaissances extralinguistiques).

Cadre théorique
Le projet mobilise un ensemble de savoirs ayant trait au fonctionnement langagier, aux formes linguistiques et aux technologies. Son objectif consiste à les mettre en synergie pour créer les conditions favorisant l’apprentissage d’une langue dans un environnement numérique et en autonomie (tutorée). Ces savoirs que le projet met en regard comportent tous des zones de relative instabilité conceptuelle que notre recherche n’a pas l’ambition de régler. En revanche, l’enjeux pour nous consiste à poser et à expliciter les choix qui président à l’organisation des contenus langagiers soumis aux apprenants et à la conception des instruments qui en assurent la médiatisation. Plus exactement, les réalisations didactiques devraient pouvoir donner clairement à voir la mise en œuvre de ces choix.
La théorie du langage qui fonde notre conception des textes tente d’intégrer les aspects formels de la mise en texte et l’ancrage dans un contexte social. L’organisation des contenus des enseignements s’appuie – en décalage sinon en rupture avec les modèles communicatifs et actionnels traditionnellement admis – sur le modèle de l’activité langagière proposé par Bronckart (1996 et sq.). Notre approche s’articule donc étroitement avec la recherche fondamentale menée en contexte francophone en L1 (Dolz & Scheuwly, 1998 ; De Pietro et al. 2017). Ayant comme point d’ancrage la notion de « texte » en tant que « seule réalité observable de l’activité langagière » (Bronckart, 1997, 2004), la démarche adoptée poursuit l’objectif de repenser en profondeur l’interaction avec des textes authentiques en L2 par la voie numérique. La difficulté et l’intérêt du projet consistent précisément à gérer en parallèle l’organisation théorique des concepts utilisés pour asseoir et guider notre travail didactique et la mise en œuvre de parcours de formation au sein d’un environnement susceptible de favoriser l’engagement des étudiants.
Plus explicitement, les éléments faisant l’objet d’une activité d’apprentissage sont organisés à partir d’un ensemble de notions que nous identifions et catégorisons, dans l’espace théorique désigné (Bronckart, 1996, 1997, 2204, 2008 ; Adam 1992, 1997, 2005, 2015), par les termes « genres de texte » et « types de discours ». Ces notions que nous convoquons à des fins didactiques nous permettent d’identifier des régularités à l’intérieur de l’extrême hétérogénéité des « textes », produits tant sous forme écrite qu’orale. Si chaque texte présente des caractéristiques spécifiques, l’analyse textuelle peut toutefois révéler des éléments de stabilité (macro-structurels, énonciatifs) qui s’expliquent à partir des relations qu’entretient le texte avec son environnement. Aussi, préalablement à toute intervention didactique, la définition de l’objet « texte » demande deux ordres de clarification : l’explicitation de la relation entre le texte et son environnement (contexte) ; l’identification des formes relativement stables que le texte donne à voir. Nous en tracerons brièvement ci-après les pourtours.
Tout texte s’inscrit dans le cadre d’une interaction communicative qui implique un univers social (avec ses normes et ses valeurs) et un univers subjectif (l’image que l’on construit de soi et que l’on donne de soi en agissant). Tout locuteur – donc toute instance énonciative – interagit au sein d’un environnement physique et social dont il s’est forgé une connaissance et des représentations à travers son histoire personnelle. L’environnement du texte nous intéresse donc ici en tant que connaissance intériorisée du locuteur, connaissance qui est susceptible d’exercer une influence sur le texte, sur sa production et sur sa réception.
Sur le plan des facteurs qui relèvent du monde physique, l’on admet que tout texte empirique est lié à une situation matérielle de production au cours de laquelle un ou plusieurs locuteur(s) (producteur, instance physique concrète), s’adressant à un ou plusieurs récepteur(s), produit un texte dans un lieu et un temps déterminés, à savoir le lieu et le temps de la production.
Sur le plan des facteurs qui relèvent du monde social, on dira que tout texte est articulé à une forme de relation sociale qui peut être définie par une série de paramètres : le lieu social de production, l’énonciateur, le destinataire et le but de l’interaction sociale. Ces paramètres participent à la définition de « modèles » de textes disponibles et relativement stables dans une langue-culture donnée. Ces modèles se sont d’abord forgés à partir de productions langagières bénéficiant d’une reconnaissance sociale ou littéraire. En dépit de catégories d’analyse diversifiées et discutées, nous les reconnaissons car ils partagent certains traits d’ordre communicatifs, sémantique, scriptural ou d’oralité et certaines caractéristiques formelles d’organisation des données de la langue.
En synthèse, on retiendra que les textes sont articulés aux besoins, aux intérêts et aux conditions de fonctionnement des structures sociales au sein desquelles ils sont produits. Pour transformer ces formes empiriques de l’activité langagière en un objet didactique cohérent, nous entendons ainsi préserver et donner à voir les propriétés fondamentales de ces unités communicatives telles qu’on vient de les exposer : l’ancrage contextuel, le mode d’organisation du contenu référentiel, les mécanismes de textualisation et de prise en charge énonciative qui en assurent la cohérence interne.
Démarche méthodologique
Ce travail de construction didactique nous a nécessairement conduits à nous pencher en profondeur sur l’organisation discursive des textes sélectionnés et à retravailler leur infrastructure. Nous avons centré le travail didactique sur trois critères : a) la sélection de documents vidéo exhibant un ancrage fort dans de la vie sociale et culturelle d’un pays et de ce fait porteurs de valeurs culturelles représentatives de la langue-culture cible ; b) la présence de traces nettement repérables du contexte de l’interaction, et notamment du statut social et énonciatif des locuteurs ; c) l’identification de types de discours dans la linéarité du texte. Nous avons fait le choix de segmenter la vidéo et d’établir des activités numériques visant à faciliter la compréhension d’un segment après l’autre.
Le choix de segmenter un texte oral authentique, qui se déploie sur une durée longue (entre 1h et 1h30 en moyenne pour les textes sélectionnés), n’est pas anodin et demande un effort d’analyse préalable qui ne doit pas être sous-estimé. Ce choix se justifie par le fait que nos textes oraux ne présentent pas de traces de segmentation homogènes – comme pourraient l’être les marques de connexion stabilisées dans l’écrit – mais des faits prosodiques souvent difficiles à saisir. Les critères de segmentation appliqués respectent la double contrainte de faire ressortir les caractéristiques du type de discours dominant et de préserver l’effet de cohérence que le texte produit dans la continuité. Les étudiants sont ainsi amenés à la découverte du texte au fur et à mesure qu’ils effectuent les activités qui leur sont proposées.
L’attention des étudiants est attirée d’emblée sur les aspects prototypiques des textes, en termes de « genre » et de « discours ». Si d’une part en effet l’on considère les « genres » comme des « guides » de production et d’interprétation du texte (Monte et al., 2014), car ils permettent de mettre en lumière les ressemblances entre des textes diversifiés, d’autre part seuls les différents segments discursifs peuvent être reconnus et classés sur la base de caractéristiques linguistiques. A ce titre, les types de discours constituent des sortes de modèles langagiers disponibles dans la langue culture et même s’ils ne se réalisent pas selon un plan entièrement prévisible, ils reflètent les représentations du contenu et du destinataire.
Illustration
Nous proposons ici un aperçu d’une unité prototypique, tirée de la formation « en route vers B2 », parcours « Expliquer », en italien langue cible.
La formation « En route vers B2 » est structurée en cinq « Parcours ». Chaque parcours relève d’un type de discours et se compose d’une ou de plusieurs unités. Cinq types de discours ont pour l’heure été retenus pour le niveau ciblé : EXPLIQUER, RACONTER, INFORMER, ARGUMENTER. Chaque unité se compose d’une vingtaine d’activités à réaliser, suivies d’un questionnaire d’opinion. Les activités se répartissent en deux séries : « cerner le genre » et « cerner le type de discours ». La série « cerner le genre » est finalisée à la découverte du genre de texte (document vidéo) proposé : i.e. conférence, interview, récit de vie. La deuxième série d’activités – « cerner le type de discours» – oriente la compréhension du discours, en mettant en exergue l’organisation particulière des unités de la langue à travers la posture discursive de l’énonciateur et la prise en charge énonciative du discours.
L’unité didactique que nous présentons ici s’articule autour d’une interview dans laquelle le réalisateur italien Michelangelo Frammartino explique la genèse de la réalisation de son film ‘Le quattro volte’1https://www.lemonde.fr/cinema/article/2010/12/28/le-quattro-volte-de-l-humain-au-mineral-l-enchantement-du-monde_1458461_3476.html. La vidéo est montée de manière à montrer uniquement les réponses du réalisateur aux questions de l’intervieweur. Les différents sujets abordés pendant l’interview – introduits par une scène représentative du film, muette, explicitée par un sous-titrage – ont servi comme autant d’éléments permettant de segmenter la vidéo en séquences discursives clairement circonscrites. Une série d’éléments de type contextuel, visuels et textuels, fournissent d’entrée des indices sur le genre et sur le type de discours dominant. L’entrée dans le texte se fait par un court extrait vidéo servant de support aux activités d’« ancrage dans le genre ». Le visionnage de l’extrait est précédé d’une consigne sonore explicitant en langue cible la « capacité » que l’activité mobilise (« identificare il genere »).


Suite à cela, une deuxième série d’activités, située à un niveau de granularité beaucoup plus fin, oriente l’effort de compréhension vers les éléments étroitement liés au type de discours dominant et à la manière dont l’énonciateur échafaude son discours. L’objectif de cette deuxième section d’activités est double : d’une part se focaliser sur les segments de texte dans lesquelles émergent les structures linguistiques qui sont propres au type de discours dominant (dans ce cas le type de discours explicatif) et d’autre part souligner les choix que l’énonciateur fait pour organiser son texte.
C’est à l’intérieur de cette section du parcours que les nouveaux protocoles d’activités illustrés plus haut (cf. infra Enjeux de terrain) ont trouvé une application. Il s’agit du « Chapitrage », du « Bornage Guidé » et du « Bornage Libre ». L’outil « chapitrage » peut notamment se révéler particulièrement pertinent lorsqu’il s’agit d’amener l’étudiant à identifier un ou plusieurs segments (« chapitres ») relevant d’un « type de discours » dominant. A titre d’exemple, l’outil de Chapitrage a été associé ici à un protocole d’appariement.


Cette activité porte sur le premier extrait de la vidéo (début de l’interview, titrée ‘Origine del progetto’). Il s’agit d’un extrait extrêmement intéressant à la fois sur le plan du discours (à dominante explicative) et de la posture énonciative. Nous sommes ici en effet confrontés à une explication qui est loin de la séquence explicative prototypique de l’écrit. Dans cet extrait le réalisateur explique pourquoi il a choisi de faire un film sur les bergers et son explication est une sorte de feuilleté ou des éléments factuels destinés à illustrer le pourquoi du choix sont combinés avec des éléments d’appréciation très subjective de la figure du protagoniste du film (un berger). Les segments peuvent être de ce fait répartis en deux catégories : ceux qui expliquent le pourquoi (le mot est présent) et ceux qui expriment l’appréciation et qui comportent beaucoup de modalités appréciatives.
L’extrait a été segmenté en huit chapitres, prédécoupés de manière à respecter la prosodie du réalisateur. Dans un premier temps les étudiants sont amenés à identifier les deux segments qui constituent la synthèse de son raisonnement. Cette première opération d’identification d’éléments explicatifs peut être ultérieurement étoffée grâce à l’outil « Bornage » en modalité « Guidé ». Cet outil nous permet en effet de proposer une identification des caractéristiques de la prise en charge énonciative du segment explicatif oral (qui diffère sensiblement de la séquence explicative écrite) à partir de l’intonation.
Enfin, l’outil « Bornage » en modalité « libre » a été proposé à la fin de l’unité. Cet outil permet à l’étudiant, nous le rappelons, de sélectionner un ou plusieurs segments de son choix sur l’extrait audio qui lui est proposé et d’y rajouter des commentaires.
En l’état, nous exploitons encore minimalement cet outil, en demandant aux étudiants de se focaliser sur les segments qu’ils jugent problématiques en phase de compréhension, de les sélectionner et d’expliciter dans un commentaire la nature de leurs éventuelles difficultés. Dans un deuxième temps, il est prévu d’observer de plus près les actions effectuées durant la phase de repérage des écueils et de manipulation de l’extrait sonore et d’élaborer une catégorisation des verbalisations des étudiants, de manière à identifier de manière plus fine les principaux obstacles qui surgissent durant le processus d’écoute/compréhension. Ce faisant, nous espérons pouvoir réinjecter ces acquis dans la phase de post-production de nos parcours, et affiner ainsi les activités de support à la compréhension.
En guise de conclusion prospective
Les financements de l’IDEFI ont permis de construire notre approche didactique sur la base d’une recherche-action de longue haleine (2016-2020), fortement adossée à la recherche fondamentale, dans un domaine quasi inexploré en L2. Nos questionnements et les premières réponses qui en découlent ont abouti à la réalisation d’un démonstrateur (en italien, pour un niveau B2), déjà partiellement expérimenté après de nos publics. Des observations menées à partir à la fois d’enquêtes qualitatives et de verbalisations simultanées (protocoles think aloud) nous ont par ailleurs permis de sonder la perception de nos publics à l’égard de la démarche proposée. Reste maintenant, comme c’est le cas pour toute innovation, à envisager la mise à l’épreuve du terrain à plus large échelle et l’appropriation de ces éléments d’innovation de la part des acteurs éducatifs. A cet effet, notre modélisation didactique pourrait se traduire en un produit éditorial permettant une diffusion dans le milieu académique. Cependant dans ce cas le nombre de textes sélectionnés et didactisés serait nécessairement limité. Or, au moment où la construction didactique des parcours, fondée sur des principes méthodologiques explicites et documentés, est en voie de stabilisation, notre objectif est d’aller plus loin dans le travail sur la perception du genre, de la pratique sociale et du discours. Il s’agit de faire prendre conscience à la fois aux enseignants et aux étudiants des relations qui existent entre le texte travaillé dans chaque unité et d’autres textes, ancrés dans la même pratique sociale. Autrement dit, et toujours dans le but de cibler la langue de culture, notre objectif est de fournir des repères multiples qui permettent de comprendre et interpréter les textes d’un corpus en les inscrivant dans une pratique sociale, un genre et un type de discours. Pour ce faire, nous souhaitons intégrer dans chaque parcours un corpus de vidéos triées et indexées. Les usagers (enseignants, chercheurs, étudiants) pourront les visionner pour développer leur capacité à identifier les pratiques sociales, les genres et les types de discours, dans une situation plus ouverte que celle d’un travail guidé sur un texte didactisé.
En conclusion, en sensibilisant nos publics aux traits universels du fonctionnement langagier et à la manière dont chaque langue les fait vivre dans les usages, cette approche devrait permettre d’interroger la manière dont les différentes langues-cultures conçoivent la diversité des genres et des discours dans leur propre tradition culturelle et par là faciliter l’interaction dans des situations communicatives diverses. Dans ce contexte, l’outil numérique, quant à lui, est sollicité, envisagé et questionné en tant qu’outil de recherche, contributeur de connaissance linguistique, didactique et ingénierique.
Remerciements
Nous remercions Sandra Canelas-Trevisi, membre du GRAFE (Université de Psychologie et des Sciences de l’Éducation de Genève) pour avoir façonné la charpente scientifique de notre approche et alimenté l’essentiel de nos réflexions, depuis 2016.
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Annexe : Légende des icônes utilisées dans le parcours « tout à l’oral »




