Retour d’expérience
Monitoring and assessment of the pedagogical practice of learning in the workplace: Daylindo instance
Miriam SOROLLA LABRADOR Gerardo MARCOTTI
SOROLLA LABRADOR Miriam (UMR EFTS, MA 122 – Unité́ Mixte de Recherche Éducation, Formation, Travail, Savoirs – chercheur associée / Daylindo – chercheur et Succes Learning Manager)
MARCOTTI Gerardo (CEO chez Daylindo)
Résumé
Daylindo est une plateforme permettant de gérer les dispositifs de formation qui intègrent la situation de travail pour la montée en compétences et l’autonomie de leurs apprenants dans la pratique pédagogique. Il permet d’organiser, de mesurer, de tracer et de reconnaître l’acquisition effective des compétences en situation de travail.
La solution Daylindo peut être mise en place par les entreprises (VAE, le coaching des opérationnels sur le terrain par le management de proximité, la prise de poste, qualification/requalification de la main d’œuvre, transformations de l’entreprise fondées sur les compétences) ou bien par des centres de formation, principalement les formations issues de la pédagogie de l’alternance (CFA, lycées professionnels, organismes de formation) qui nécessitent une appropriation personnelle des compétences professionnelles et de la pratique métier.
Daylindo utilise le mobile pour faire le lien entre le “référent pédagogique” (formateur, professeur), le “référent opérationnel” (tuteur, maître d’apprentissage…) et l’apprenant. Il facilite ainsi la continuité pédagogique et la construction d’un livret d’apprentissage en temps réel.
Mots clefs : Évaluation des Compétences, qualification, livret d’apprentissage, FEST (Formation en Situation de travail), alternance
Abstract
Daylindo is the first competency based platform that allows you to support your learners’ skills development in the workplace and to accredit their acquired competencies. The Daylindo solution can be set up by companies to manage different skilling initiatives (workforce upskilling/ reskilling programs, “Validation of the Acquired Experience”, field coaching, onboarding) or by other training operators, mainly training courses resulting from the apprenticeship pedagogy (CFA, internship) who require a deep personal appropriation of professional skills and business practice.
Daylindo uses the mobile to make the link between the « pedagogical referent » (trainer, teacher), the « operational referent » (tutor, learning master…) and the learner and thus facilitates pedagogical continuity and the construction of a learning logbook in real time.
Keywords: Competency Assessment, credential, learning logbook, learning in the Workplace, apprenticeship
Contexte et problématique
La loi n° 2018-771, promulguée le 5 septembre 2018 dite « Loi Avenir » « pour la liberté de choisir son avenir professionnel » réforme en profondeur l’apprentissage et la formation professionnelle. Elle indique que l’action de formation est un « parcours pédagogique permettant d’atteindre un objectif professionnel » (Article L6313-1, 2018) et qu’elle peut être réalisée en situation de travail. La Loi Avenir bouleverse les pratiques des entreprises, des salariés et des prestataires de formation. Elle met un terme à une longue tradition de défiance, qui tendait à séparer la formation du travail.
Le principe de l’action de formation en situation de travail (AFEST) n’est pas nouveau. En revanche, elle devient en France une nouvelle modalité de formation reconnue avec la définition de critères pour la caractériser. La mise en place d’une AFEST relève désormais d’une ingénierie pédagogique précise, concrète et qui diffère de celle qui est mise en place lors des formations connues comme « classiques » (réalisées par un formateur dans un espace différent à celui du lieu de travail, que ce soit en distanciel ou en présentiel). Les conditions de réussite doivent être formellement réunies pour valider le dispositif d’acquisition de compétences.
En résumé, une AFEST est un « parcours visant un objectif professionnel alternant phases de travail et de réflexion, accompagné, évalué et traçable » (Article L6313-1, 2018).
Le rapport de synthèse (2018) sur la formation en situation de travail « s’articule autour d’un noyau dur structuré par l’alternance de deux séquences distinctes, mais articulées et réitérées autant de fois que nécessaire pour produire les apprentissages visés :
- Une mise en situation de travail préparée, organisée et aménagée à des fins didactiques,
- Une séquence réflexive, en rupture avec l’activité productive, animée par un tiers. » (Rapport final expérimentation AFEST juillet 2018, p.15)
Le rapport complet précise ainsi que, « l’enjeu de l’action de formation en situation de travail est de « mettre de la formation dans le travail » – et non plus de considérer la situation de travail comme le moyen « d’appliquer » ce qui a été vu en formation. « La pédagogie de l’AFEST fait des mises à situation (…) le matériau même de la formation (…) » (Article L6313-1, 2018).
Ainsi, l’AFEST fait du travail le « matériau » des apprentissages, mais non un matériau qui se suffirait à lui-même. Ces modalités assurent un meilleur transfert des acquis au poste de travail, “pour apprendre, il faut appliquer”.
Cette même situation se produit dans les pédagogies de l’alternance ou bien dans la professionnalisation des populations “métier” qui visent à développer des compétences par une pratique accompagnée.
Les actions de formation en situation de travail nécessitent la mise en place d’un lien entre la pédagogie et l’activité opérationnelle. Le travail permet de concrétiser une “intention pédagogique”. Dans l’organisation du processus de montée en compétence, il s’exprime par la mise en relation interactive entre un “référent pédagogique”, un “référent opérationnel” et l’apprenant. Ce lien assure le suivi de l’apprenant, la coordination et la continuité pédagogique, la cohérence des phases réflexives – comprises comme les échanges entre l’apprenant et ses référents en lien avec les pratiques réalisées sur le terrain, l’efficacité de l’accompagnement et de l’évaluation.
Or ce lien est souvent absent ou difficile à faire vivre. Il peut parfois être « lourd », difficilement “compatible avec les exigences opérationnelles”, ne facilitant pas la “réactivité”. Les conditions d’exercice d’un processus de montée en compétences sont en effet complexes à mettre en oeuvre à grande échelle (c’est à dire en dehors d’un environnement d’expérimentation où l’on réunit des conditions idéales). Les contraintes de l’entreprises tirée par le court terme – pour des raisons d’objectifs à court terme, d’urgences ou d’organisation du travail – ne sont pas toujours compatibles avec la mise en œuvre de temps formatifs engagés pour le long terme. Dans ce contexte, l’échange entre les référents pédagogique et opérationnels nécessite souplesse et simplicité, ce que les systèmes existants de l’entreprise ne prévoient souvent pas, la formation étant trop souvent un facteur exogène à l’activité opérationnelle.
Les solutions LMS existantes gèrent l’acquisition de connaissances mais elles ne sont pas adaptées au suivi des parcours de montée en compétences intégrant la situation de travail ni aux pratiques professionnelles.
Daylindo s’est positionnée dans ce contexte comme une solution digitale tout-en-un pour répondre aux spécificités de la montée en compétences en situation de travail.
Daylindo est une plateforme au travers de laquelle un tuteur, un apprenant et le formateur sont connectés en direct et en temps réel grâce à une application accessible par mobile et par PC.
La solution fait le lien entre les acteurs impliqués dans l’apprentissage de l’apprenant au travers d’un livret d’apprentissage numérique interactif, permettant de répondre à une partie des exigences qualité faites aux pédagogies de l’alternance.
Questions ou verrous scientifiques qui motivent le projet
Les travaux menés jusqu’à présent par l’équipe Daylindo ont permis d’innover sur le plan fonctionnel pour dépasser un premier verrou expérientiel. Il s’agit de faire parler ensemble une approche opérationnelle et une approche pédagogique, qui bien souvent souffrent d’un manque de langage commun.
Ce lien entre l’approche pédagogique et l’approche opérationnelle s’exprime dans l’ingénierie et dans l’organisation du temps de formation. Dans l’ingénierie, il se matérialise par la mise en rapport entre un référentiel de compétences et des activités au poste de travail permettant d’exprimer ces compétences. Dans l’organisation, ce lien se matérialise par l’organisation des allers retours entre le référent pédagogique, le référent opérationnel et l’apprenant au sein d’un “workflow” complet et cohérent, appuyé par la technologie, et allant de la proposition des temps formatifs à l’apprenant jusqu’au suivi d’activité, à la traçabilité des preuves desdites activités, et à l’évaluation des compétences.
La clé du langage commun entre ces deux approches se trouve dans la construction d’un référentiel pédagogique suffisamment granulaire. Ce référentiel s’appuie sur une compétence contextualisée afin d’être mieux comprise par le référent opérationnel et interprétée par le référent pédagogique.
Daylindo permet de s’appuyer sur les référentiels existants des textes officiels du Ministère de l’Éducation et du Ministère du Travail qui articulent les différents diplômes. Cependant, la granularité proposée en quatre niveaux permet de contextualiser et d’égrener chaque compétence en “grains de compétence”, plus parlante pour le référent opérationnel qui la maîtrise et qui est en capacité de faire le suivi de la pratique. Cette architecture permet de faire parler l’opérationnel avec les référentiels existants.
La prochaine étape, le prochain verrou technologique et scientifique, consiste à définir comment construire une infrastructure pédagogique mutualisée au niveau d’une filière ou d’une branche afin de démocratiser encore plus l’accès de tous à des séquences de montée en compétences fondée sur la pratique professionnelle.
Enjeux de terrain
Daylindo est une solution qui permet de faire le lien entre les différents acteurs du processus d’enseignement-apprentissage en situation de travail, c’est à dire, entre le référent pédagogique, le manager de proximité et l’apprenant lorsqu’il s’agit d’un environnement d’entreprise, et entre le centre de formation, le tuteur de stage et l’apprenant dans le cas de la pédagogie de l’alternance.
Dans ce contexte, les apprenants disposent d’une application mobile qui leur donne accès à des parcours et des séquences pédagogiques préalablement conçues pour mobiliser les compétences visées et permettre de les valider. La conception préalable permet de faire une mise en situation de travail préparée, organisée et aménagée à des fins didactiques. Les apprenants collectent les preuves des attendus sur le terrain sous forme de vidéos, de photos, de textes ou de voix afin de tracer leur parcours et nourrir le processus d’évaluation.
L’application permet une coordination en temps réel des différents acteurs du processus. Notons aussi qu’une partie de l’application est dédiée à l’apprentissage entre pairs et au partage des bonnes pratiques (social learning).
L’administrateur pilote le système par le biais d’une plateforme sur PC. Un rôle est attribué à chaque utilisateur. Le rattachement entre le tuteur (référent opérationnel), l’apprenant et le référent pédagogique est constitué.

La plateforme permet de faire un suivi en temps réel des échanges interactifs qui ont lieu dans l’application mobile entre l’apprenant et ses deux référents, des actions formatives au poste de travail avec les traces de ces activités. Le processus de suivi intègre également les phases réflexives de l’apprenant.
Les capacités de suivi sont aussi disponibles au niveau de cohortes.
Au global, la cinématique structure un processus parfaitement cohérent et un lien étroit entre les 3 acteurs.



Afin de favoriser l’engagement de l’apprenant, celui-ci peut suivre sur son application mobile le retour et l’évaluation du référent opérationnel et du référent pédagogique in situ.

La simplicité et la fluidité des relations entre les référents est atteinte par la mise à disposition de la solution Daylindo sur l’application mobile dont “l’UX/ UI” a été travaillé avec de nombreuses itérations pour atteindre un résultat unique parmi l’offre de solution digitale, en France.
Les référents peuvent échanger avec les apprenants, suivre la mise en œuvre des séquences pédagogiques et évaluer les compétences, mais aussi déclencher des temps formatifs qui auront été conçus préalablement pour leur faciliter l’animation de l’apprentissage.
Image 6. App Daylindo partie référents, validation des activités Image 7. App Daylindo partie référents, suivi des apprenants
L’ingénierie pédagogique est fondeé sur le lien établi entre ce qui est observable en situation de travail (une pratique professionnelle) et la compétence mobilisée. Au global, le référentiel de compétences dans Daylindo (comme celui des référentiels officiels) peut être architecturé en quatre niveaux : micro-compétences (les “grains” de compétence), macro-compétences, blocs, certification, utilisables au gré des besoins de la conception pédagogique.
L’acquisition d’un ensemble de micro-compétences (comprise celle-ci comme « quelque chose que je sais faire ») permet d’acquérir une macro-compétences ; l’acquisition de plusieurs macro-compétences permet de valider l’acquisition d’un bloc ; la validation de tous les blocs permet de valider une certification.


La granularité proposée par Daylindo permet de prendre en charge l’ensemble des certifications ou diplômes prévus dans les textes français officiels et d’assurer un langage commun avec ce qui est appréhendable en milieu de travail.
L’échelle d’évaluation est également personnalisable selon les besoins de l’ingénierie en 4 ou 6 niveaux.

Le “livret d’apprentissage digitalisé” trace l’ensemble de l’activité conduisant à la montée en compétences, qu’elles soient effectuées sur le terrain ou en centre.
Par ailleurs, Daylindo propose également un système de “badges”. Ce système est un complément ou une alternative selon l’ingénierie pédagogique souhaitée. Il permet de “gamifier”, reconnaître et valoriser la montée en compétences de l’apprenant.
D’ici fin 2020, les badges seront publiables sur d’autres plateformes (comme par exemple LinkedIn1LinkedIn est un réseau social américain crée en 2003 à destination des professionnels. https://www.1min30.com/social-selling/linkdln-6234, consulté le 13 août 2020) avec la logique Open Badge, afin de démontrer un savoir-faire reconnu et de favoriser l’employabilité ou la mobilité de l’apprenant. L’apprenant pourra par exemple faire valoir ses badges dans une recherche d’une activité professionnelle, et au-delà du diplôme, démontrer de réelles capacités opérationnelles et de savoir-faire terrain.



Démarche méthodologique
La méthodologie utilisée de mise en place de la solution Daylindo peut être définie comme une méthodologie exploratoire, puisque l’objectif est d’analyser un problème pour lequel il n’existe pas d’informations spécifiques ni précédentes (Sampieri, 2014) et d’en proposer une solution. Les études exploratoires « sont normalement menées lorsque l’objectif est d’examiner un sujet ou un problème de recherche peu étudié ou qui n’a pas été abordé auparavant » (Sampieri, 2014).
D’après Sampieri (2014) « les études exploratoires servent à préparer le terrain », et c’est justement ce que Daylindo a fait pendant les 3 ans de R&D, préparer le terrain pour mettre un place un outil innovant qui permet de gérer les dispositifs de formation qui intègrent la situation de travail pour la montée en compétences.
Pour la collecte des données qualitatives, des observations sur le terrain, des enquêtes et des entretiens ont été menés aussi bien dans le monde éducatif que dans le monde de l’entreprise pour analyser ainsi les conditions de la mise en place d’une solution comme Daylindo.
État d’avancement du projet et résultats éventuels
Le développement de la solution a nécessité 3 ans de recherche utilisateurs et de R&D. La solution a été aujourd’hui développée, testée et mise place au sein de trois segments d’utilisateurs : des entreprises qui souhaitent mettre en place des processus de montée en compétences au poste de travail, des CFA qui déploient la pédagogie de l’alternance, et des organismes de formations explorant les formations de types AFEST pour les publics concernés par le PIC (Plan d’Investissement en Compétences) mis en oeuvre par les pouvoirs publics.
Les fonctionnalités de la solution facilitent l’accompagnement des collaborateurs par l’encadrement de proximité, la gestion de l’AFEST, l’accompagnement de la pédagogie de l’alternance. Les fonctionnalités de Daylindo permettent également de répondre à des exigences réglementaires comme Qualiopi pour les CFA, ou encore pour les entreprises, de mieux répondre aux obligations de maintien en compétences des salariés à leur poste
Conclusions et perspectives
Comme résultat des travaux de recherche mené, Daylindo est aujourd’hui en mesure de compléter les dispositifs et systèmes existants (voire de remplir un vide). La mise en relation des différents acteurs impliqués dans les processus d’enseignement-apprentissage (référent opérationnel, référent pédagogique et apprenant) permet de donner sa pleine mesure à la pratique pédagogique en situation de travail.
Daylindo vise ainsi à se positionner comme outil de référence dans l’organisation, le suivi, l’évaluation et la traçabilité de la montée en compétences en situation de travail.
Dans un contexte, où les compétences sont le moteur essentiel de la performance économique et de l’intégration dans l’économie de la connaissance, Daylindo apparaît particulièrement bien positionné. Aujourd’hui, l’obsolescence des compétences s’accélère avec la constante évolution du monde. Chaque individu aura sûrement plusieurs métiers, ce qui diffère des époques précédentes « à la révolution technologique » (Castells, 1999) où chaque individu conservait son métier pendant toute une vie. L’avènement de l’ère digitale engendre un besoin de qualification/ requalification massive et proactive des compétences. L’investissement nécessite la contribution de toutes les parties prenantes. Les exemples Suisses ou Danois indiquent que l’apprentissage et la formation professionnelle intégrée à l’entreprise montrent leur efficacité pour améliorer l’employabilité de tous. François Garçon, enseignant-chercheur à l’Université de Paris, affirme qu’en Suisse l’emploi chez les 15-24 ans représente quasiment le plein-emploi grâce à l’embouche des apprentis par les entreprises (Maligorne, 2017). Soutenir les compétences, l’employabilité et la mobilité de tous en faisant levier sur la situation de travail, c’est la mission de Daylindo.
Bibliographie
Article L6313-1, d. C. (2018). Modifié par LOI n°2018-771 du 5 septembre 2018 – art. 4.
Caser, F. F. (Juillet de 2018). Rapport | L’expérimentation relative aux « actions de formation en situation de travail » (AFEST). Le réseau Anact, Arac.
Castells, M. (1999). La Era de la Información: Economía, Sociedad y Cultura: La sociedad Red, México, Siglo XXI. Madrid : Alianza.
Maligorne, C. (2017). Le Figaro. Obtenu d’Économie le Figaro : https://www.lefigaro.fr/economie/le-scan-eco/decryptage/2017/10/28/29002-20171028ARTFIG00012-apprentissage-formation-le-succes-de-la-suisse-et-du-danemark.php (consulté le 13 août 2020) .
Sampieri, H. (2014). Metodología de la Investigación (Vol. 6ta Edición). McGraw Hill.
[1] LinkedIn est un réseau social américain crée en 2003 à destination des professionnels. (https://www.1min30.com/social-selling/linkdln-6234, consulté le 13 août 2020)