Article de recherche
Co-producing and disseminating digital resources to improve communication within families of deafblind children.
Cédric MOREAU Alina KHOKHLOVA
MOREAU Cédric (INSHEA – Grhapes (EA 7287) – MCF)
KHOKHLOVA Alina (Université d’État de Moscou de psychologie et d’éducation – Centre de ressources « Yaseneva Polyana » pour le soutien des personnes sourdes-aveugles et de leurs familles – MCF)
Résumé
À partir de supports originaux reposant sur la spatialité de la langue des signes, les parents d’enfants sourdaveugles porteurs d’autres déficiences sont invités à créer leurs propres outils de communication afin d’échanger au sein de la famille sur des sujets du quotidien. Pensés pour être adaptés aux différentes situations de communication ces supports peuvent être ajustés graduellement en fonction des capacités de symbolisation des enfants. À l’issue de ce temps d’échange, les parents formulent et mutualisent leurs témoignages et avis quant aux leviers et obstacles qu’ils ont rencontrés sur la plateforme collaborative, multilingue et multimodale Ocelles.fr.
Outre la création de supports adaptés, l’objectif de cette recherche est d’interroger la façon dont les familles et les enfants s’emparent des ressources pour améliorer leur système de communication.
Mots clefs : Sourdaveugle, société inclusive, projet ocelles, conceptualisation, langue des signes tactile
Abstract
Using original materials based on the spatiality of sign language, parents of deafblind children with other disabilities are invited to create their own communication tools in order to discuss everyday topics within the family. Designed to be adapted to different communication situations, these materials can gradually be adjusted according to the children’s symbolization abilities. At the end of this time for discussion, the parents express and pool their testimonies and opinions about the levers and obstacles they encountered on the collaborative, multilingual and multimodal platform Ocelles.fr.
In addition to creating adapted pedagogical documents, the objective of this research is to question the way in which families and children use resources to improve their communication system.
Key-words : Deafblind, inclusive society, ocelles project, conceptualization, tactile sign language
Contexte et problématique
Penser la transmission des connaissances dans une perspective d’inclusion signifie penser la construction des connaissances dans un continuum dans lequel chaque protagoniste, qu’il apprenne ou qu’il sache, peut trouver sa place et apprendre de l’autre. Notre travail est issu de l’expérience de terrain, prenant en compte le quotidien des auteurs mais aussi les attentes des futurs contributeurs à cette recherche participative.
L’utilité du récit n’est plus à démontrer dans sa construction spatiale et temporelle, dans l’acquisition du langage et dans le développement de l’identité d’un enfant. Dans un premier temps, notre travail sera établi en collaboration avec les parents d’enfants sourdaveugles et pourra éventuellement être étendu aux enseignants travaillant avec ce public.
En effet l’accessibilité numérique se heurte aux besoins des personnes sourdaveugles pour accéder aux contenus à disposition sur le web. Toutes modalités visuelle ou vocale d’accès aux contenus web sont évidemment à exclure pour les enfants souffrant de surdicécité. Une autre piste pourrait être un accès tactile aux textes par l’intermédiaire d’une plage braille, mais on estime généralement à moins de 15% des personnes aveugles le maîtrisant et dont l’emploi est fortement lié à l’appétence que l’usager peut avoir avec la lecture. Ce profil n’est pas celui des enfants pour lequel ce projet est pensé, qui ne maîtrisent aucune langue vocale ou signée et encore moins écrite.
Le profil des ressources répondants aux besoins de ces enfants n’est donc pas numérique, mais tactile, proposant différentes matières identifiables au toucher permettant non seulement de délimiter les zones des contenus travaillés mais également une meilleure conceptualisation en fonction des analogies possibles avec les concepts travaillés. Toutefois ces ressources sont rares et ne couvrent pas l’étendue des besoins. Leur fabrication est souvent artisanale, et elles sont difficilement mutualisables compte tenu de leur encombrement et des difficultés de diffusion qui en résultent. Comment dans ces conditions les outils numériques peuvent-ils répondre aux besoins pédagogiques et linguistiques des enfants sourdaveugles et de leurs familles ?
Aussi faisons-nous l’hypothèse que les ressources tactiles doivent être réalisées par les personnes les plus proches du quotidien de ces enfants, parents ou professionnels. Les ressources numériques quant à elles peuvent servir de médium de diffusion et de mutualisation :
- de trames imprimables, décrivant la structure des futures ressources pédagogiques tactiles
- d’explications sur la création, l’utilisation et le partage d’expériences de ces trames
Nos objectifs sont à la fois pédagogiques et linguistiques. D’un point de vue pédagogique, nous souhaitons :
- fournir au public cible des ressources pédagogiques pour leurs enfants/élèves
- sensibiliser les participants aux besoins de leurs enfants/élèves par une approche socioconstructiviste
- fournir des ressources qui peuvent être adaptées au rythme et aux besoins des enfants et de leurs familles, ce qui pourrait se résumer à une interaction parent-enfant naturellement positive et à une communication symbolique significative : échange d’informations, discussion de situations de la vie quotidienne, récits et contes de fées
- examiner la possibilité de transférer le protocole à d’autres médias et à un public plus large dans l’optique d’une société inclusive
- examiner si les réponses à des besoins spécifiques peuvent être étendues à un plus large public
- tester la pertinence de la plateforme multilingue et multimodale Ocelles pour répondre aux besoins du public cible
D’un point de vue linguistique, nous aimerions explorer l’intérêt d’utiliser la spatialisation d’un discours en langue des signes pour développer des matériaux d’histoire pour les apprenants sourdaveugles.
Questions ou verrous scientifiques qui motivent le projet
Notre recherche se définit comme une recherche participative qualitative dans une approche compréhensive et praxéologique. Nous postulons que pour les parents d’un enfant sourdaveugle, l’obstacle majeur dans les situations de communication avec leur enfant est lié à la perception fine des processus de conceptualisation misen jeu lors des échanges.
Aussi faisons-nous l’hypothèse que la co-construction de ressources numériques pédagogiques basées sur des discours originaux en langue des signes et le quotidien des enfants sourdaveugles, permet d’améliorer l’analyse des leviers et obstacles afin de répondre aux déficits expérientiels de communication au sein des familles.
Notre travail souhaite également interroger la nécessité d’une mutualisation de ressources pédagogiques et d’échanges entre familles, professionnels et chercheurs compte tenu de l’importante dispersion de ces acteurs en France et en Russie.
Enjeux de terrain
Un des obstacles soulignés par les parents d’enfants sourdaveugles dans l’enquête menée par l’INSHEA et le centre de ressources russe « Yaseneva Polyana » pour attester de la compréhension ou non de leur enfant lors de la lecture quotidienne d’histoires réside dans la difficulté pour eux de percevoir les éléments de communications verbaux mais surtout non-verbaux (Moreau & Khokhlova, 2020). En effet les gestes produits par les enfants ne sont pas considérés comme ayant une portée communicative et exigent un cadre de recherche qui prend en compte la variabilité et la complexité des processus d’interprétations en situation. La pragmatique dans la communication s’en voit alors entravée, les parents décontenancés par ce type d’interactions remettent en cause leurs capacités et ont parfois tendance à réduire la quantité et la qualité des échanges potentiels. Les conséquences de ces obstacles dans la communication pour l’enfant sont également importantes et peuvent s’étendre à d’autres champs comme celui de l’instrumentation qui repose sur la qualité des échanges avec des communicants compétents (Bullinger, 1994), (Souriau, Introduction : surdi-cécité et développement de la communication Problèmes et stratégies adaptatives, 2000).
Dans ce contexte, la prise en compte de premiers supports pédagogiques et d’éléments gestuels basés sur le quotidien de l’enfant et de sa famille sont essentiels.
Le second enjeu consiste à prendre en compte la mutualisation des ressources numériques collaboratives essentielles compte tenu de la répartition aléatoire des familles d’enfants sourdaveugles en France et en Russie.
Cadre théorique et conceptuel
Nous baserons notre travail sur la définition nordique de la surdicécité (« New Nordic Definition – Deafblind International » https://www.deafblindinternational.org/?media_dl=3055) et inscrirons notre paradigme dans une perspective socio-constructiviste à la croisée de la théorie des champs conceptuels de Gérard Vergnaud et du modèle « sémiologique de bifurcation des visées » de Christian Cuxac (Cuxac, 2000). Ce modèle s’appuie sur le principe des transferts : « […] opérations qui permettent, en amont, de transférer, en les anamorphosant faiblement, des expériences réelles ou imaginaires dans l’univers discursif tridimensionnel appelé « espace de signation », (l’espace de réalisation des messages). » (Cuxac, 2000, p. 24).
La nouvelle définition nordique de la surdicécité – approuvée en juin 2016 – aboutit à : « La surdicécité est une déficience combinée de la vision et de l’audition d’une telle gravité qu’il est difficile pour les sens altérés de se compenser. La surdicécité est donc un handicap distinct. ».
Il est précisé qu’à des degrés divers, la surdicécité limite les activités et restreint la pleine participation à la société. Elle affecte la vie sociale, la communication, l’accès à l’information, l’orientation et la capacité à se déplacer librement et en toute sécurité. Pour compenser la déficience visuelle et auditive combinée, le sens tactile devient particulièrement important.
Le fait qu’il soit difficile pour les sens affaiblis de se compenser signifie que :
- Tenter d’utiliser un sens altéré pour compenser l’autre prend du temps, consomme de l’énergie et le résultat est le plus souvent fragmenté.
- Une diminution de la fonction de la vision et de l’audition augmente la nécessité d’utiliser d’autres stimuli sensoriels (c’est-à-dire tactile, kinesthésique, haptique, olfactif et gustatif). Elle limite l’accès à l’information à distance, crée un besoin de se fier à l’information dans l’environnement proche et pour créer du sens, il devient nécessaire de s’appuyer sur la mémoire et de tirer des conclusions à partir d’informations fragmentées.
La surdicécité limite les activités et restreint la pleine participation à la société. Afin de permettre à l’individu d’utiliser ses capacités et ses ressources potentielles des services spécialisés doivent être mis en place, comme notamment :
- Des partenaires de communication compétents et disponibles, une information accessible à tous, un soutien humain pour faciliter la vie quotidienne, un environnement physique adapté et des technologies et des aides technologiques accessibles. L’individu et son environnement doivent être impliqués à part égale, mais la responsabilité d’accorder l’accès aux activités incombe à la société.
- Une variation possible du fonctionnement selon des facteurs environnementaux ou personnels. Une personne sourdaveugle peut être plus ou moins handicapée selon l’activité proposée.
- Des compétences spécialisées en matière de surdicécité, y compris une approche interdisciplinaire, sont essentielles pour une prestation de services adéquate (Gullacksen, Göransson, Henningsen Rönnblom, Koppen, & Rud Jørgensen, 2012) (Johansen, 2018)
Dans ce contexte, un des obstacles soulignés par les parents d’enfants sourdaveugles dans l’enquête menée par l’INSHEA et le centre « Yaseneva Polyana » pour attester de la compréhension ou non de leur enfant lors de la lecture quotidienne d’histoires (Moreau & Khokhlova, 2020) réside dans la difficulté pour eux de percevoir les éléments de communications verbaux mais surtout non-verbaux (Stern, Beebe, Jaffe, & Bennet, 1975).
Ainsi, la prise en compte de premiers supports pédagogiques et d’éléments gestuels basés sur le quotidien de l’enfant et de sa famille sont essentiels. L’étape suivante concerne le développement du langage verbal de l’enfant, lorsque les gestes, qui ont été renforcés auparavant, sont remplacés par leur forme dactylologiée, où chaque lettre est représentée à partir d’une forme de la main spécifique. Après la maîtrise de cet alphabet digital, l’enfant apprend l’alphabet braille. Les premiers textes sont composés selon les règles suivantes : ils sont consacrés à des situations de la vie quotidienne de l’enfant, se composent de 3 à 5 phrases simples, tous les objets présents dans la situation décrite sont marqués à tour de rôle (Sokolyansky (Соколянский), 1989) (Basilova (Басилова), 2015). Progressivement le jeune lecteur est amené à se détacher de textes de son quotidien qu’il peut interroger au profit de textes de personnages inconnus (Goncharova (Гончарова), 2018), tout en restant dans sa zone proximale de développement (Van Dijk, The Sint-Michielsgestel Approach to Diagnosis and Education of Multisensory Impaired Persons, 1989) (Van Dijk, Working with deafblind children and adolescents, 1987).
Les travaux de Vygotski nous conduisent à insister sur l’importance de la contextualisation des apprentissages et sur le rôle central des interactions sociales, en particulier le rôle de médiateur que peut exercer un sujet plus compétent auprès d’un sujet moins compétent, dans le processus d’acquisition de connaissances nouvelles. Il souligne notamment l’importance du langage, de ses aspects communicationnels et de la médiation par le signe dans la formation des concepts, que nous retenons principalement pour notre sujet (Duquesne-Belfais, 2007). Nous considérons que la notion de partage de significations contribue à mieux analyser aussi bien la place de l’adulte dans l’apprentissage de la communication auprès des enfants sourdaveugles que celle du chercheur au sein de cette recherche action. Nous utilisons aussi son point de vue sur le phénomène de la prise de conscience : « conscience avant/conscience après, qui recouvre cette idée qu’il faut bien être conscient de certaines propriétés des objets pour agir efficacement mais que la prise de conscience peut poursuivre son chemin après l’action, dans une sorte de retour réflexif » (Vergnaud, Lev Vygotski, pédagogue et penseur de notre temps, 2000, p. 84).
Néanmoins, il y a pertinence à répondre à la quête de sens chez les parents si on cherche à développer la construction de savoirs signifiants chez les enfants. Pour nous, le sens renvoie à l’activité : c’est la possibilité pour l’enfant ou le parent, face à une situation à laquelle il est confronté, d’engager une activité en rapport avec cette situation, plus ou moins adéquate suivant que celle-ci lui est plus ou moins familière. Pour G. Vergnaud, « trouver du sens c’est disposer d’un système minimum de connaissances pour commencer à agir ne serait-ce que mentalement » (Vergnaud, Un point de vue de psychologue, 1999). Une mise en scène communicationnelle consiste à articuler la communication en actes et les éléments de communication formalisés c’est-à-dire à rendre les concepts fonctionnels en les inscrivant dans des situations dont ils constituent le ressort principal. La problématique du sens est un enjeu particulièrement présent dans la communication entre les enfants sourdaveugles et leurs parents.
Démarche méthodologique
Cette recherche est effectuée en partenariat avec le Centre de ressources « Yaseneva Polyana », émanation de la fondation russe « Со-единение » créée conjointement avec le fond de solidarité pour les personnes sourdaveugles en 2014 à l’occasion du conseil de surveillance de l’Agence pour les initiatives stratégiques présidée par le président russe. L’objectif de la Fondation sont les changements systémiques dans le soutien et l’intégration sociale des personnes souffrant simultanément d’une déficience auditive et visuelle.
Le rôle du Centre est, entre autres :
- d’attirer et de collaborer avec des scientifiques et des éducateurs du monde entier
- La formation d’un système de formation continue pour les enfants et les adultes atteints de surdicécité, ainsi que pour les spécialistes travaillant dans le domaine des troubles sensoriels et multiples sévères du développement.
- Le développement de nouvelles méthodes pédagogiques et le développement de l’école scientifique russe, notamment grâce au soutien de jeunes scientifiques.
Le centre « Yaseneva Polyana » est l’acteur majeur et pionnier dans la prise en compte de la surdicécité en Russie. Il est en relation direct avec les autres organisations financées par la Fondation « Со-единение », en particulier, l’organisation non gouvernementale caritative interrégionale « La Communauté des familles dont les membres sont sourds et aveugles » (« Сообщество семей слепоглухих ») et l’association des personnes souffrant d’une double déficience sensorielle « Со-гласие » et les organisations qui les soutiennent. C’est par son intermédiaire que nous avons accès aux parents et enfants sourdaveugles âgés de 2 à 14 ans tout au long de notre travail. Nous estimons le nombre de participants entre 40 et 50 répartis sur l’ensemble du territoire russe.
La première étape de la recherche a pour objectif de comprendre quelles sont les difficultés que rencontrent les parents pour communiquer avec leur enfant et comment ils les analysent. L’examen des représentations des parents sur leurs difficultés sera effectué au travers d’un questionnaire en ligne et d’entretiens semi-directifs réalisés en ligne ou en présentiel (dans certaines familles ou lors de semaines de regroupement de familles d’enfants sourdaveugles tout au long de l’année). Chacun de ces entretiens sera filmé après accord des participants.
Dans une seconde étape, le travail de recherche consiste à éprouver la mise en place d’une ingénierie de formation à partir d’études de cas fondée sur des hypothèses d’action comme :
- une analyse réflexive de l’activité et la problématisation qui l’accompagne, qui peuvent transformer les représentations en connaissances théoriques transférables ;
- les pratiques de travail en groupes et les débats scientifiques particulièrement, qui permettent de faire émerger le rôle des interactions sociales dans l’appropriation des savoirs pédagogiques et communicationnels ;
- mettre en activité les parents et les placer en situation de double piste, apprenants en formation à distance et communiquants auprès de leurs enfants, pour leur permettre de mieux comprendre les difficultés qu’ils rencontrent et d’établir des ponts entre leur expérience et les savoirs formalisés disponibles en ligne.
Le premier scénario de recherche action vise à répondre aux attentes des parents en leur proposant des ressources pédagogiques tactiles à co-construire à partir d’une trame élaborée par les chercheurs, pédagogues sourds et professionnels du dessin adapté. Ce travail ambitionne également de les accompagner dans la compréhension des procédés de spatialisation en langue des signes et des liens que l’on peut opérer avec la réalisation de supports pédagogiques en deux dimensions sous la forme d’histoires tactiles.
Le second scénario de recherche action est conçu pour faire découvrir aux parents les leviers potentiels face aux obstacles rencontrés lors des échanges avec leurs enfants. Les situations expérientielles proposées visent un double niveau de conceptualisation : le premier niveau vise à construire une situation d’échanges entre eux et leur enfant à partir d’une ressource langagière et pédagogique co-construite avec les professionnels et chercheurs du projet, le second consiste à identifier les caractéristiques d’une démarche pédagogique inductive adaptée aux besoins communicationnels de leur enfant.
Le recueil des matériaux de la recherche sera basé sur des ressources textuelles issues des réponses aux questionnaires et des ressources vidéos provenant des temps d’entretiens ou de recueils d’interactions au sein des familles lors de l’utilisation des ressources pédagogiques. L’accord inter-juge entre chercheurs et participants permettra notamment la confrontation des différents points de vue et l’émergence de réponses spécifiques à chaque situation mais également d’invariants pédagogiques et communicationnels.
Dans chacun de ces scénarios, les résultats des recherches et les savoirs formalisés seront enrichis des différents témoignages des participants ainsi que des vidéos issues des communications au sein des familles.
Ces ressources seront toutes accessibles sur la plateforme multilingues et multimodales Ocelles (https://ocelles.inshea.fr/fr/accueil) dans la partie projet.
Les résultats des recherches et les savoirs formalisés seront sous licence creative commons by-sa (https://creativecommons.org/licenses/by-sa/2.0/fr/). Dans la mesure du possible, en fonction des choix des participants, les vidéos de témoignage ou d’expérimentation seront-elles aussi déposées sous cette licence.
Etat d’avancement du projet et résultats éventuels
La recherche a débuté, une première trame de ressources pédagogiques à partir d’une situation de la vie quotidienne a été créée. Chaque trame correspondra à une page dédiée dans la partie « Projet » du site Ocelles. Le moment du repas est un instant incontournable dans la journée pour tous les enfants et demande une attention particulière. En effet, l’usage des couverts n’est pas automatique pour la catégorie d’enfants pour lesquels le projet est destiné. Porter des éléments inconnus à la bouche par l’intermédiaire d’ustensiles peut être source d’angoisse et d’incompréhension. La situation est aggravée pour les enfants nourris au biberon jusqu’à un âge tardif. Cette trame distribuée au format PDF est proposée aux parents pour faciliter la communication avec leurs enfants. Son objectif est d’amener l’enfant à abstraire progressivement la situation en se détachant graduellement des objets du quotidien, en utilisant des symboles tangibles, comme par exemple lui confier l’alimentation d’une poupée, pour enfin qu’il s’approprie l’usage de la ressource tactile créée.
Avant d’être distribuée aux participants, cette trame et toutes les étapes d’appropriations précédentes ont été testées auprès de 4 enfants sourdaveugles au centre de ressources « Yaseneva Polyana ». Ces tests ont été filmés et serviront d’illustrations. Les premiers résultats sont encourageants, l’ensemble des apprenants a réussi à faire le lien entre le quotidien et la ressource tactile mise à leur disposition. La moitié d’entre eux s’en est emparée pour raconter sa propre histoire.
Une page dédiée ouverte dans un premier temps aux participants a été rédigée sur le site Ocelles. Une explication textuelle décrit la trame et indique quelles sortes de matières peuvent être utilisées pour être découpées et déposées aux endroits indiqués sur la trame.
La page web contient également les trois stades d’appropriation de la notion travaillée, accompagnés pour chacun :
- d’un texte explicatif indiquant aux parents :
- les objectifs à atteindre éventuellement avec leur enfant,
- la marche à suivre et ce qui la motive
- les éventuels points de vigilance qui pourraient attester du processus d’acquisition
- des vidéos illustratives de mises en situation, filmées lors des tests
- des vidéos illustratives en langue des signes tactiles qui décrivent la façon de s’exprimer
En complément de ces éléments, un texte et des vidéos, expliquent également :
- la manière de dénommer en langue des signes les éléments de trame
- le lien entre la façon dont l’espace est utilisé en langue des signes et la façon dont les éléments sur la trame ont été agencés les uns par rapport aux autres.

Un webinaire regroupant les chercheurs et une quarantaine de familles ou professionnels de la surdicécité a ensuite été organisé afin d’expliquer le projet en illustrant nos propos par les supports décrits précédemment. Quatre familles ont immédiatement accepté de participer.
Conclusions et perspectives
La suite de la recherche prévoyait une sensibilisation à ce projet lors d’un regroupement organisé à l’initiative du centre « Yaseneva Polyana » entre parents, enfants et professionnels de la surdicécité. Cette action a malheureusement dû être reportée pour des raisons sanitaires suite à l’épidémie de COVID 19.
Le travail se poursuit néanmoins, en particulier la recherche de participants et le suivi des familles déjà investis. Les futures vidéos des entretiens avec les familles ainsi que le recueil des interactions parents/enfants lors de l’utilisation de la première ressource pédagogique enrichiront également la page web dédiée sur le site Ocelles.fr.
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